Bulletin TP Express - Août 2021

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Bureau du syndic

L’indépendance du professionnel salarié : faire primer l’intérêt du public sur celui de l’employeur

À l’instar de tous les professionnels régis par le Code des professions, le technologue professionnel doit sauvegarder son indépendance professionnelle en tout temps et agir dans l’intérêt du public.

La dualité des statuts de professionnel et de salarié est une situation particulière et répandue, où l’obligation de subordination imposée par le contrat de travail vient se juxtaposer à l’obligation d’indépendance professionnelle.
Cette juxtaposition peut, parfois, apporter son lot d’incertitudes et de difficultés.

Voici un exemple :

Un technologue professionnel en génie civil a été embauché par une firme spécialisée dans son domaine, où il exerce sa profession dans le but qu’il puisse apporter son savoir technique et son soutien dans divers projets.
Récemment, son employeur lui a demandé d’apposer sa signature et son sceau professionnel sur des devis préparés par une autre personne.

Le technologue professionnel sait que son Code de déontologielui interdit en vertu de l’article 73 (1°) de signer un document technologique dont il n’est pas l’auteur ou qui n’a pas été préparé sous sa responsabilité, et sait qu’il en est de même en vertu de l’article 73 (2°) concernant son sceau professionnel.

Toutefois, le technologue professionnel craint des conséquences ou même la perte de son emploi s’il refuse d’exécuter l’ordre de son supérieur.

Doit-il obéir à son employeur et ainsi enfreindre une règle déontologique?

Dans les circonstances, le technologue professionnel peut et doit refuser de poser de tels actes. Le lien de subordination dans sa relation avec l’employeur ne peut le justifier d’agir à l’encontre de son Code de déontologie.

En effet, la norme déontologique constitue la norme supérieure à laquelle il n’est pas possible de déroger. Le respect du Code de déontologie n’est donc pas subordonné à la relation hiérarchique entre employeur et employé.
Dès qu’un employeur décide d’embaucher un technologue professionnel pour œuvrer à ce titre, il accepte en même temps que les exigences qui entourent l’exercice de cette profession s’appliquent et doivent être respectées. Qu’il soit membre ou non d’un ordre professionnel, il doit s’assurer que son employé puisse se conformer à ses obligations professionnelles.

« On peut même présumer que si l’employeur embauche à ce titre un professionnel, c’est pour que ce dernier exécute professionnellement ses obligations, notamment sur le plan éthique […] le professionnel doit autant à son employeur qu’à son ordre d’exercer selon les normes et standards fixés par la loi et les règlements applicables […]. S’il ne le fait pas, non seulement s’expose-t-il au contrôle disciplinaire de son ordre, mais encore il s’expose aux sanctions administratives ou disciplinaires qu’un employeur peut, dans le cadre du contrat de travail, imposer au salarié qui n’exécute pas convenablement sa tâche » .

Notons que l’employeur s’expose à des sanctions pénales en vertu de l’article 188.2.1 du Code des professions si, par un encouragement, un conseil, un consentement, une autorisation ou un ordre, il amène le professionnel à contrevenir à ses devoirs et obligations professionnelles.

En définitive, face à un conflit irréconciliable entre son devoir de loyauté envers l’employeur et ses devoirs envers la profession et le public, le technologue professionnel doit faire preuve de prudence. En cas de doutes, n’hésitez pas à vous adresser au bureau du syndic ou à un avocat de votre choix pour toute question à ce sujet.

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Bich, Marie-France (1994), juge à la Cour d’appel du Québec, « Le professionnel salarié – Considérations civiles et déontologiques », in André Poupart et al., Le défi du droit nouveau pour les professionnels : le Code civil du Québec et la réforme du Code des professions, Montréal : Thémis, 45-72.