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BULLETIN TP EXPRESS - FÉVRIER 2010


Histoire de la réglementation Q-2, r.8
Les défis des T.P. du traitement des eaux usées des résidences isolées

Le traitement des eaux usées des résidences isolées est un des dossiers où le Syndic de l’Ordre reçoit le plus de plaintes. Il y a une raison derrière cette situation. L’ingénieur maintenant retraité Michel Morissette, l’explique par la nature complexe de l’activité. Il fut un des artisans de la réglementation Q-2, r.8.

Chronologie de la réglementation

Avant la réglementation Q-2, r.8, la majorité des municipalités appliquaient le Règlement d’hygiène publique datant de 1940, alors que 400 autres édictaient leurs propres règles très minimales. Le règlement québécois couvrait deux pages. Essentiellement, il exigeait l’installation d’un puisard et son éloignement de 100 pieds du puits d’eau potable. En parallèle, le Code municipal exigeait la nomination d’un inspecteur municipal, mais sans préciser ses compétences. Fin 1960, le mouvement de protection des lacs met en lumière le traitement déficient des eaux usées et l’absence de réglementation. Le Service de protection de l’environnement établit alors un règlement modèle. Michel Morrissette est chargé de l’expliquer aux municipalités. Le règlement entre en vigueur le 12 août 1981. Il abroge tous les règlements municipaux et uniformise les normes.

La réglementation québécoise s’inspire de ce qui se fait notamment au Wisconsin, alors très en avance en ce domaine, et en Ontario. Le mode d’application est le permis municipal de construction. Or, certaines municipalités ne délivraient pas de tel permis; le ministère appliquera pour celles-ci la réglementation pendant une période transitoire de deux ans. Le ministère offre de la formation pour ce règlement de type technologique qui propose des recettes : à tel type de sol, tel système de tant de superficie. À ce stade, il n’y a pas de normes de performance et d’étude préalable. Les défauts du règlement, très limitatif, apparaissent dès 1986, mais ce n’est qu’en 1995 qu’on entreprend de le modifier très spécifiquement en autorisant la technologie de biostation à base de tourbe. Puis en 2000, on introduit des normes de performance et des matériaux alternatifs, comme les toiles textiles pour remplacer la paille servant à couvrir la tuyauterie. En 2004, le Québec passe dans le peloton de tête avec la mise en place d’un processus d’évaluation des technologies avec le concours du Bureau de normalisation du Québec (BNQ). Dès lors, les concepteurs disposaient de normes technologiques (des recettes) et de normes de performances. Tel qu’il existe, le règlement québécois est assez similaire au Model Code étasunien élaboré par la Environmental Protection Agency à partir de 1997. C’est la pratique de l’assainissement décentralisé (ou autonome) géré par des personnes compétentes.

« Pour comprendre le règlement, explique Michel Morrisette, il faut savoir que le principe actif du traitement des eaux usées ce sont les bactéries aérobies dans un sol oxygéné. » Le sol ne filtre pas les contaminants, il favorise par culture fixée leur destruction. Il doit posséder des caractéristiques telles qu’une épaisseur et une perméabilité minimales pour traiter les contaminants avant leur arrivée dans la nappe d’eau. C’est parce que le roc empêche l’installation d’un système d’épuration qu’on ne peut, par règlement, y construire une habitation isolée.

C’est en 2004 que le règlement lie l’obtention du permis de construire à une étude de caractérisation effectuée par un membre d’un ordre professionnel qui possède des compétences dans le domaine. L’Union des municipalités accepte que les officiers municipaux voient au respect du règlement. Toutefois, la question des compétences ébranle l’édifice puisque le traitement de l’eau n’est enseigné nulle part. Qui est compétent puisqu’il n’y a pas de formation? « Les ordres professionnels concernés ont heureusement réagi, dit Michel Morissette. L’OTPQ offre maintenant à certains de ces membres une formation pour remédier à cette lacune. »

Le processus implique d’autres acteurs que le concepteur. Ce sont d’abord les entrepreneurs. La Régie du bâtiment du Québec (RBQ) a profité de la révision des licences pour définir l’assainissement autonome comme une activité à risque. Un examen est maintenant obligatoire pour obtenir une licence. Vient ensuite l’officier municipal. Il délivre le permis s’il juge le système conforme en s’appuyant sur les conclusions du rapport du professionnel. Le rapport soumis par le professionnel doit donc être complet et rédiger clairement. De son côté, l’inspecteur doit être suffisamment formé pour comprendre les divers éléments de la conception : épaisseur du sol, perméabilité, superficie en fonction de la charge, pente inférieure à 30 %, etc. Le règlement Q-2, r.8 ne contient pas tout. Les règles de l’art de la conception doivent être comprises et maîtrisées. Le règlement comporte encore une incongruité : le plan peut être exécuté par une autre personne que le concepteur.

Compétences et défis des T.P.

Le domaine de l’assainissement autonome des eaux est complexe. Il exige des compétences variées. Le technologue professionnel doit d’abord posséder des connaissances théoriques du règlement et des connaissances générales sur le bâtiment et le sol. Le professionnel doit acquérir des connaissances techniques pointues, notamment en caractérisation du sol. Il doit aussi se reconnaître certaines limites. « S’il constate que plusieurs résidences devraient partager un système par exemple en raison de l’exiguïté des terrains, explique Michel Morissette, il pourrait devoir recommander à la municipalité d’envisager un système commun, un travail de la compétence de l’ingénieur. »

Le technologue doit posséder des habiletés à apprendre et à engranger de l’expérience. Sa perspicacité professionnelle l’amènera à élargir le territoire autour de la résidence et découvrir des détails de terrain qui pourraient influencer sa conception. Le sol n’est pas homogène; sa compréhension demande un apprentissage continu. Si un technologue ne compte pas assez d’années d’expérience, il devrait recourir au parrainage d’un professionnel expérimenté pour y suppléer.

Le concepteur doit aussi aiguiser ses habiletés de communicateur. Il recueille de l’information qui sera utilisée par d’autres : entrepreneur, officier municipal, propriétaire. En interaction avec les municipalités, il participe à la gestion du territoire. Il doit savoir expliquer et vendre ses idées, et parfois jouer le rôle d’éducateur public.

Le technologue doit tenir compte des attentes des propriétaires, par exemple en évitant de couper un arbre. Au besoin, il les conseillera sur l’usage de l’eau. Utiliser un broyeur à déchet, actionner inutilement les chasses d’eau ou négliger de réparer un robinet qui fuit imposent une surcharge au système.

En tant que concepteur, il formulera des recommandations sur le travail de terrain pour que l’entrepreneur évite de fouler le sol, sur l’installation du système ou le choix de matériaux d’isolation pour éviter le gel. Le domaine d’application du règlement Q-2, r.8 est complexe; le technologue professionnel devra y investir énergies et talents pour y réussir.



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