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BULLETIN TP EXPRESS - AVRIL 2010


Rencontre avec des experts en bâtiment durable
Les produits « verts » en construction le sont-ils vraiment?

Par Gaétan Tremblay, journaliste

Les produits dits verts prennent de plus en plus de place sur les rayonnages des chaînes de rénovation. Quelle est leur valeur? Profite-t-on simplement d’un engouement pour l’environnement pour mousser les ventes? Deux experts donnent leurs commentaires.

« Beaucoup de matériaux qui composent nos habitations sont malsains, affirme André Fauteux de la revue La Maison du 21e siècle. Les PVC en sont un bon exemple. Les produits dits verts ne sont pas exempts de suspicions. Que penser d’un polystyrène certifié vert qui contient des agents ignifuges et donc considéré dangereux en Europe? »

Le marketing
Yves Perrier, expert-conseil en habitation écologique et créateur du site GuidePerrier.com, croit qu’il faut définir la notion avant de parler de produits écologiques. Selon lui, un produit de construction vert est une notion vide de sens puisqu’elle renvoie à la nature et à ce qui est bon pour l’environnement. Or, la grande majorité de ces produits parviennent des laboratoires de pétrochimie et ils sont aux antipodes de la nature. « Une approche rigoureuse doit être appliquée, dit-il. » Il cite l’exemple de BASF qui offre l’isolant polyuréthane Walltite Eco incorporant du plastique recyclé et des huiles naturelles. Le fabricant s’interdit toute publicité qui en ferait un produit « vert ». « Cette rigueur doit être soulignée, ajoute-t-il. On n’affirme pas que le produit est bon pour l’environnement, on se limite à le dire meilleur que d’autres plus dommageables. »

Trancher entre le bon et le meilleur n’est pas facile. Le bois est le produit le plus écologique par définition. Mais une planche de bois même estampillée FSC (Forest Stewarship Council) est-elle encore environnementale, si elle a parcouru 10 000 km? L’est-elle plus si la cargaison a transité par bateau? Puisqu’on ne peut se fier aveuglément au babil publicitaire, une bonne grille d’analyse est nécessaire. Yves Perrier propose celle-ci : un produit de construction doit être durable, abaisser les rejets dans l’air et l’eau, et économiser les ressources et l’énergie, notamment par une réduction des distances de transport. Lorsqu’on confronte un grand nombre de produits étiquetés verts à ces critères, les prétentions s’effondrent. Le bon produit est celui qui a le moindre impact sur l’environnement. Pas simple de s’y retrouver sans une étude de cycle de vie.

C’est ici qu’il faut applaudir l’initiative Rona Eco qui consiste à faire évaluer impartialement certains produits par une tierce partie, le Centre interuniversitaire de recherche sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG). C’est une approche sérieuse qui cible des produits qui ont un véritable impact sur l’environnement et qui apportent une correction. « L’initiative est un bon début, mais elle doit être intensifiée, commente Yves Fauteux. »

Initiatives de l’industrie
Le rédacteur en chef de La Maison du 21e siècle signale d’autres initiatives. Sur un plan global, l’organisme Natural Steps forme les dirigeants d’entreprises (ex. Ikea) et de villes aux principes du développement durable. Certains fabricants, nommément les peintures Benjamin Moore, sont parmi les chefs de file. Leurs peintures à base d’eau présentent zéro émission de COV jusqu’à ce qu’on y ajoute des pigments de couleurs foncées, des composants plus problématiques. Il n’en demeure pas moins que ces peintures méritent leur label Ecologo qui s’avère une référence utile tout comme la certification Green Guard.

L’influence LEED
La certification LEED est un programme destiné à encourager l’industrie à fabriquer des produits environnementaux, mais il ne certifie pas les matériaux. C’est un processus ouvert et évolutif qui se bonifie avec le temps. Il influence les architectes des grands projets, mais peu les promoteurs et les entrepreneurs de petits bâtiments résidentiels. « On constate beaucoup de petits efforts, mais plus encore de désinformation, dit Yves Perrier. » Elle est le fruit d’un marketing teinté d’écoblanchiment comme dans le cas des produits recyclés postindustriels auxquels on n’incorpore, dans les faits, que des rebuts de fabrication.

Le bas de gamme
« Une certitude se dégage : construire de façon durable est la solution, tranche Yves Perrier. » Par exemple, une maison passe un test d’infiltrométrie avec succès. Toutefois, le même test révélerait quelques mois après la présence de longues fissures permettant à l’air de pénétrer allégrement. La raison? L’utilisation d’une mousse polyuréthane de mauvaise qualité. Les consommateurs sont en partie responsables. Peu sont convaincus que la qualité est rentable. Beaucoup préfèrent payer deux fois : d’abord pour des produits bas de gamme, ensuite pour appliquer les solutions correctrices.

« Le recyclable est un aspect du problème, ajoute Yves Perrier. Tout ce qui pourrait l’être, ne l’est pas. Dupont fabrique des tapis d’une durée de vie d’environ dix ans. Le fabricant a mis en place un programme de recyclable. C’est louable, mais il n’y a qu’une seule usine en activité en Amérique du Nord! »

Les produits dangereux
Le marché offre plusieurs produits très utilisés — panneaux de particules, contreplaqués, etc. — qui contiennent du formaldéhyde, un agent réputé irritant et soupçonné cancérigène. Pour l’éviter, on doit rechercher le label EI (en usage en Allemagne depuis 1977!). La résine MDI est une autre alternative. Selon André Fauteux, le tableau général s’améliore. On trouve maintenant des colles et des vernis acryliques. Retenons la norme californienne Carb qui permet d’identifier des produits en deçà d’une certaine quantité d’émissions de COV.

La problématique des produits dommageables pour l’environnement va persister. André Fauteux note par exemple la prolifération sans contrôle des nanotechnologies. « Le PVC, peu coûteux, est un moindre mal tant qu’il demeure à l’extérieur des habitations, concède Yves Perrier. » Toutefois, les planchers de vinyle et les rideaux à lattes très exposés au soleil devraient être mis au ban. Peu recyclables et peu durables, ils représentent un problème pour l’environnement.

« Essentiellement, c’est un problème de qualité, conclut Yves Perrier. Bâtir avec des produits de mauvaise qualité, c’est effectuer un très mauvais calcul : cher à l’achat, coûteux ensuite et globalement néfaste pour l’environnement. » Le marché offre certaines solutions qui, sans être totalement écologiques, agressent moins l’environnement.

Yves Perrier, expert-conseil en habitation écologique
et créateur du site GuidePerrier.com
André Fauteux, éditeur et rédacteur en chef de la revue La maison du 21e siècle







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