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BULLETIN TP EXPRESS - AOÛT 2011


Général
Les crédits de carbone
UNE MESURE FISCALE EN CROISSANCE
par Stéphane Gagné, journaliste

Pour contrer les effets du réchauffement climatique, les experts ont créé le système de crédits de carbone, dans la mouvance des négociations entourant le Protocole de Kyoto. En gros, cela consiste à récompenser les entreprises qui réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) en leur permettant de vendre ses réductions sous forme de crédits à d’autres entreprises. C’est ce qu’a fait cet été le producteur de granules de bois Granules LG de Saint-Félicien en vendant des crédits à Aéroplan. C’est aussi ce que songe à faire la Société de transport de Montréal (STM) depuis qu’elle a décidé de n’acheter que des autobus hybrides (qui consomment 30 % moins de diesel) pour le renouvellement de sa flotte.



Le système de crédit de carbone est toutefois assez complexe à implanter. Pour générer un crédit de carbone, une entreprise doit faire la preuve qu'elle a réduit ses émissions de GES par rapport à un scénario de référence. Si elle réussit à établir cette preuve, elle dispose alors de crédits.
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Avoir des crédits signifie aussi plus de revenus pour l’entreprise. Prenons le cas de la STM. La société a une flotte de huit véhicules hybrides sur un total de 1680 autobus. En calculant qu'un autobus parcourt 70 000 kilomètres par année, chaque autobus hybride permet ainsi d'éviter l'émission de 36 tonnes de CO2 par année dans l'atmosphère. Or, chaque tonne de GES évitée donne droit à des crédits. Si la STM obtient 15 $ la tonne (prix plancher proposé par Québec dans un projet de règlement), cela signifie que cela lui rapportera 4320 $ par année. Une somme assez faible, mais appelée à augmenter en fonction du nombre d’autobus hybrides qui circuleront dans les rues de Montréal.
  
Pour obtenir cette compensation, il faut, au préalable, faire ses devoirs : remplir un document de projet, le faire valider par une firme compétente et faire vérifier ses chiffres par une autre firme. Cette dernière pourra établir combien de tonnes de CO2 ont été évitées dans l'année. Ce nombre de tonnes représente les crédits de carbone qui peuvent ensuite être mis en marché comme un actif. Ce processus exige beaucoup de paperasses puisqu'on doit documenter et faire valider toutes les factures et les preuves de ce qu'on a fait.

Heureusement, des organismes sont habilités à assister l’entreprise dans la démarche visant l’obtention de crédits. Ainsi, depuis septembre 2010, le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) a obtenu une accréditation du Conseil canadien des normes pour offrir ce service. Elle a déjà réalisé ce type de vérification pour diverses entreprises du secteur industriel. La vérification est basée sur la norme internationale ISO 14064-3.

D’autre part, CSA a lancé récemment un programme proposant aux entreprises et aux propriétaires d’immeubles l’atteinte de la carboneutralité (une entreprise est carboneutre lorsque ces émissions nettes de GES sont nulles). Appelé CSA Registered Carbon Neutral, le programme permet aux entreprises d’être inscrites à un registre et d'obtenir l'autorisation d'utiliser le label du nouveau programme. Être certifié carboneutre peut être un outil de marketing puissant pour une entreprise. Le programme est basé sur la norme ISO 14064 GHG.

Le marché du carbone
Une fois les crédits de carbone établis et certifiés, l’entreprise doit alors les proposer sur le marché du carbone. Il existe deux types de marchés : le marché volontaire et le marché réglementé. Dans le premier cas, les transactions se font de gré à gré. C'est-à-dire que l'acheteur, libre d'atteindre des objectifs ou pas, s'entend avec le vendeur à la fois sur la qualité des crédits et sur le prix qu'il est prêt à payer. Les crédits peuvent ou non être certifiés par une tierce partie selon une norme. Dans le cas de Granules LG, les crédits suivaient la norme "Voluntary Carbon Standard".

Dans un marché réglementé, seuls des crédits certifiés selon les règles établies par l'autorité réglementaire peuvent être transigés. L'entreprise soumise à un quota doit faire la preuve qu'elle a effectivement atteint le quota qui lui était alloué. Si elle a émis moins, elle dispose de crédits. Dans le cas contraire, elle doit en acheter.

Au Québec, le gouvernement Charest a adhéré à un tel marché réglementé. Appelé le Western Climate Initiative (WCI), il comprend sept États américains dont la Californie et quatre provinces canadiennes dont l’Ontario et la Colombie-Britannique. À compter de 2013, le règlement (qui fait l’objet de consultations présentement) obligera les émetteurs de plus de 25 000 tonnes de CO2 à respecter des quotas de réduction de leurs GES. Cela touchera de grandes entreprises comme Rio Tinto Alcan, Ultramar et des entreprises dans le secteur du ciment, des pâtes et papier, de la chimie, de la production d’électricité, etc. Ces entreprises connaîtront leurs objectifs de réduction dès cet automne et pourront commencer à échanger des crédits en janvier 2012. La réduction globale visée sera de 20 % sous le niveau de 1990, en 2020.

L’industrie mécontente

Plusieurs acteurs de l’industrie dont l’industrie forestière sont toutefois mécontents de ce projet de règlement. Ils estiment qu’il ne reconnaît pas les efforts de réduction qu’ils ont faits dans le passé. Selon Hélène Simard, porte-parole du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, l’industrie y trouvera son compte. «Le règlement reconnaît les efforts de réduction de GES par le secteur industriel puisque l'objectif de 20 % d'ici 2020 est fixé par rapport au niveau de 1990, dit-elle. Les réductions réalisées depuis 1990 sont donc déjà prises en compte. De plus, des crédits pour réductions hâtives seront octroyés par le gouvernement aux entreprises ayant réduit leurs émissions entre 2008 et 2012.» Elle rappelle aussi que l'industrie forestière a bénéficié de 45 millions $ en subventions du gouvernement du Québec depuis 2006 afin de réduire ces GES.

Enfin, il peut sembler étrange que le secteur des transports, plus grand émetteur de GES au Québec, ne sera couvert qu’en 2015. Selon Mme Simard, cela s’explique ainsi : «le secteur industriel a été priorisé avant celui des transports parce que les secteurs de l'industrie et de la production d'électricité sont les plus grandes sources d'émission de GES chez les partenaires de la WCI.»

Une coopérative qui carbure au carbone

Récemment, l’Association québécoise pour la maîtrise de l’énergie (AQME) en partenariat avec la Coopérative Fédérée, le Fondaction CSN et le Centre d’excellence en efficacité énergétique a lancé le projet de Coopérative Carbone. «La coopérative va regrouper des petites, moyennes et plus grandes entreprises qui souhaitent participer au marché du carbone tout en bénéficiant d’économies d’échelle associées à la mise en place du processus», affirme Yasmina Chicha, directrice du développement du projet de Coopérative Carbone à l’AQME. Une étude de faisabilité, réalisée en septembre 2010, a démontré le grand intérêt des entreprises pour cette formule. Quatre-vingts pour cent des dirigeants interrogés se sont alors montrés intéressés à la mise sur pied d’une coopérative Carbone.

Pourquoi un tel intérêt ? «C’est que la mise en place du système de crédits de carbone dans une entreprise coûte souvent plus cher que le produit de la vente des crédits, dit Mme Chicha. En partageant notamment les coûts de la vérification et de la certification, la coopérative facilitera l’accès au marché du carbone pour les entreprises.»

 


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